capítulo primero Viaje de un habitante de la estrella Sirio al planeta Saturno
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7.9
Chapitre second
Conversation de l'habitant de Sirius avec celui de Saturne
Segundo capítulo
Conversación del habitante de Sirio con el de Saturno
2.1
Après que Son Excellence se fut couchée, et que
le secrétaire se fut approché de son visage : « Il
faut avouer, dit Micromégas, que la nature est bien variée. – Oui,
dit le Saturnien; la nature est comme un parterre dont les fleurs... – Ah
! dit l'autre, laissez là votre parterre. – Elle est,
reprit le secrétaire, comme une assemblée de blondes
et de brunes, dont les parures... – Eh ! qu'ai-je à faire
de vos brunes ? dit l'autre . – Elle est donc comme une galerie
de peintures dont les traits... – Eh non ! dit le voyageur;
encore une fois la nature est comme la nature. Pourquoi lui chercher
des comparaisons ? – Pour vous plaire, répondit le secrétaire. – Je
ne veux point qu'on me plaise, répondit le voyageur ; je veux
qu'on m'instruise : commencez d'abord par me dire combien les hommes
de votre globe ont de sens . – Nous en avons soixante et douze,
dit l'académicien, et nous nous plaignons tous les jours du
peu . Notre imagination va au-delà de nos besoins ; nous trouvons
qu'avec nos soixante et douze sens, notre anneau , nos cinq lunes
, nous sommes trop bornés ; et, malgré toute notre
curiosité et le nombre assez grand de passions qui résultent
de nos soixante et douze sens, nous avons tout le temps de nous ennuyer. – Je
le crois bien, dit Micromégas; car dans notre globe nous avons
près de mille sens, et il nous reste encore je ne sais quel
désir vague, je ne sais quelle inquiétude , qui nous
avertit sans cesse que nous sommes peu de chose, et qu'il y a des êtres
beaucoup plus parfaits . J'ai un peu voyagé ; j'ai vu des
mortels fort au- dessous de nous ; j'en ai vu de fort supérieurs
; mais je n'en ai vu aucuns qui n'aient plus de désirs que
de vrais besoins, et plus de besoins que de satisfaction. J'arriverai
peut-être un jour au pays où il ne manque rien ; mais
jusqu'à présent personne ne m'a donné de nouvelles
positives de ce pays-là .» Le Saturnien et le Sirien
s'épuisèrent alors en conjectures ; mais, après
beaucoup de raisonnements fort ingénieux et fort incertains,
il en fallut revenir aux faits. «Combien de temps vivez-vous
? dit le Sirien. – Ah! bien peu, répliqua le petit homme
de Saturne. – C'est tout comme chez nous, dit le Sirien ; nous
nous plaignons toujours du peu. Il faut que ce soit une loi universelle
de la nature. – Hélas! nous ne vivons, dit le Saturnien,
que cinq cents grandes révolutions du soleil. (Cela revient à quinze
mille ans ou environ, à compter à notre manière.)
Vous voyez bien que c'est mourir presque au moment que l'on est né ;
notre existence est un point, notre durée un instant, notre
globe un atome . A peine a-t-on commencé à s'instruire
un peu que la mort arrive avant qu'on ait de l'expérience.
Pour moi, je n'ose faire aucuns projets ; je me trouve comme une
goutte d'eau dans un océan immense. Je suis honteux, surtout
devant vous, de la figure ridicule que je fais dans ce monde.»
2.1
Sentóse Su Excelencia, acercóse a él el secretario de la Academia, y dijo Micromegas: -Confesemos que es muy varia la naturaleza. -Verdad es -dijo el saturnino -. La naturaleza es como un jardín, cuyas flores... -¡Ah! -dijo el otro -. Dejaos de floriculturas. -Pues es -siguió el secretario - como una reunión de rubias y morenas, cuyos encantos... -¡Dejad a vuestras morenas y a vuestras rubias! -interrumpió el otro. -O bien como una galería de cuadros cuyas imágenes... -¡No! No señor, no -replicó el forastero -. Decidme lo primero ¿cuántos sentidos tienen los hombres en vuestro país? -Nada más que setenta y dos -contestó el académico -. Créame que todos los días nos lamentamos de esta limitación. Nuestra imaginación va más allá de nuestras posibilidades, por lo que nos parece que con nuestros setenta y dos sentidos, nuestro anillo y nuestras cinco lunas, no tenemos bastante; en realidad nos aburrimos mucho a pesar de nuestros setenta y dos sentidos y de las pasiones que de ellos se derivan. -Lo creo -dijo Micromegas -, porque nosotros tenemos cerca de mil sentidos y todavía nos quedan no sé qué vagos deseos, no sé qué inquietud, que sin cesar nos advierte que somos muy poca cosa y que hay seres mucho más perfectos. En mis viajes he visto gentes muy inferiores a nosotros, y otras muy superiores; mas no he hallado ninguna que no tenga más deseos que necesidades y más necesidades que satisfacciones. Acaso llegue algún día a un país donde no haya necesidades, pero hasta ahora no tengo la menor noticia de semejante país.El saturnino y el siriano quedaron meditabundos. Luego se entregaron a ingeniosas reflexiones tan agudas como inconsistentes, hasta que les fue forzoso atenerse a los hechos. -¿Es muy larga vuestra vida? -preguntó el siriano. -¡Ah! No. Muy corta -replicó el hombrecillo de Saturno. -Lo mismo sucede en nuestro país, siempre nos estamos quejando de la brevedad de la vida. Debe ser una ley universal de la naturaleza. -¡Ay! Nuestra vida -dijo el saturnino - se limita a quinientas revoluciones solares, que vienen a ser unos quince mil años según nuestra aritmética. Esto es casi nacer y morir en un momento. Así, nuestra existencia es un punto, nuestra vida un instante, y el globo en que habitamos un átomo. Apenas empieza uno a saber algo, a instruirse, cuando llega la muerte. Por mi parte no me atrevo a formar proyecto alguno; me siento como una gota de agua en el océano inmenso. Ahora estoy avergonzado en vuestra presencia al considerar lo ridículo de mi figura.
2.2
Micromégas lui repartit: « Si
vous n'étiez pas philosophe , je craindrais de vous affliger
en vous apprenant que notre vie est sept cents fois plus longue que
la vôtre ; mais vous savez trop bien que quand il faut rendre
son corps aux éléments , et ranimer la nature sous
une autre forme, ce qui s'appelle mourir ; quand ce moment de métamorphose
est venu, avoir vécu une éternité, ou avoir
vécu un jour, c'est précisément la même
chose. J'ai été dans des pays où l'on vit mille
fois plus longtemps que chez moi, et j'ai trouvé qu'on y murmurait
encore. Mais il y a partout des gens de bon sens qui savent prendre
leur parti et remercier l'auteur de la nature . Il a répandu
sur cet univers une profusion de variétés avec une
espèce d'uniformité admirable. Par exemple tous les êtres
pensants sont différents, et tous se ressemblent au fond par
le don de la pensée et des désirs. La matière
est partout étendue ; mais elle a dans chaque globe des propriétés
diverses. Combien comptez-vous de ces propriétés diverses
dans votre matière ? – Si vous parlez de ces propriétés,
dit le Saturnien, sans lesquelles nous croyons que ce globe ne pourrait
subsister tel qu'il est, nous en comptons trois cents, comme l'étendue,
l'impénétrabilité , la mobilité, la gravitation
, la divisibilité, et le reste. – Apparemment, répliqua
le voyageur, que ce petit nombre suffit aux vues que le Créateur
avait sur votre petite habitation . J'admire en tout sa sagesse ; je
vois partout des différences, mais aussi partout des proportions.
Votre globe est petit, vos habitants le sont aussi; vous avez peu de
sensations; votre matière a peu de propriétés
; tout cela est l'ouvrage de la Providence. De quelle couleur est votre
soleil bien examiné ? – D'un blanc fort jaunâtre,
dit le Saturnien; et quand nous divisons un de ses rayons, nous trouvons
qu'il contient sept couleurs – Notre soleil tire sur le rouge,
dit le Sirien, et nous avons trente-neuf couleurs primitives. Il n'y
a pas un soleil, parmi tous ceux dont j'ai approché, qui se
ressemble, comme chez vous il n'y a pas un visage qui ne soit différent
de tous les autres.»
2.2
Replicóle Micromegas: -Si no fuerais filósofo, temería desconsolaros diciéndoos que nuestra vida es setecientas veces más larga que la vuestra; pero ya sabéis que cuando llega el momento de reintegrarse a la naturaleza, para reanimarla bajo distinta forma -que es a lo que llaman morir -, cuando llega ese instante de metamorfosis, lo mismo da haber vivido una eternidad o sólo un día. He conocido países donde viven las gentes mil veces más que en el mío, y he visto que, sin embargo, se quejaban; pero en todas partes hay gentes razonables, que saben resignarse y dar gracias al autor de la naturaleza, que con maravillosa profusión ha esparcido en el universo las variedades más distintas sin olvidar la uniformidad. Así, por ejemplo, todos los seres que piensan son diferentes, y sin embargo, todos se parecen en el don de pensar y desear. La materia es la misma en todas partes, pero en cada mundo manifiesta propiedades distintas. ¿Cuántas propiedades tiene la materia del vuestro? -Si os referís a las propiedades fundamentales, sin las cuales nuestro planeta no podría existir tal como es -dijo el saturnino -, pasan de trescientas; conviene saber: la extensión, la impenetrabilidad, la movilidad, la gravitación, la divisibilidad, etc. -Sin duda -replicó el viajero -, que es bastante con eso, con arreglo al plan del Creador para el reducido planeta en que vivís. En todas sus cosas adoro la sabiduría, porque si en todas advierto diferencia, advierto también proporción. Saturno es pequeño y lo son sus moradores; tenéis pocas sensaciones y goza vuestra materia de pocas propiedades. Todo ello lo dispuso así la Providencia. ¿De qué color es vuestro sol? -Blancuzco, ceniciento -dijo el saturnino -. Al dividir uno de sus rayos, observamos que tiene siete colores. -El nuestro tira a encarnado -dijo el siriano -, y tenemos treinta y nueve colores fundamentales. He podido estudiar muchos soles y no he hallado dos que se parezcan, de la misma manera que en nuestro planeta no se ve una cara que no se diferencie de las demás.
2.3
Après plusieurs questions
de cette nature, il s'informa combien de substances essentiellement
différentes on comptait dans Saturne. Il apprit qu'on n'en
comptait qu'une trentaine, comme Dieu, l'espace, la matière,
les êtres étendus qui sentent, les êtres étendus
qui sentent et qui pensent, les êtres pensants qui n'ont point
d'étendue; ceux qui se pénètrent, ceux qui ne
se pénètrent pas, et le reste. Le Sirien, chez qui
on en comptait trois cents et qui en avait découvert trois
mille autres dans ses voyages, étonna prodigieusement le philosophe
de Saturne. Enfin, après s'être communiqué l'un à l'autre
un peu de ce qu'ils savaient et beaucoup de ce qu'ils ne savaient
pas, après avoir raisonné pendant une révolution
du soleil, ils résolurent de faire ensemble un petit voyage
philosophique.
2.3
Tras de hablar de muchas cuestiones análogas, se informó de cuántas sustancias distintas en esencia se conocían en Saturno y se le respondió que unas treinta: Dios, el espacio, la materia, los seres extensos que sienten, los seres extensos que sienten y piensan, los seres que piensan y no son muy extensos, los que se penetran, y los que no se penetran, etc. El siriano, en cuyo planeta había trescientas, y que había descubierto en sus viajes hasta tres mil, dejó asombrado al filósofo de Saturno. Finalmente, habiéndose comunicado mutuamente casi todo cuanto sabían, y muchas cosas que no sabían, y después de discutir por espacio de toda una revolución solar, acordaron realizar juntos un corto viaje filosófico.