Chapitre septième
Conversation avec les hommes
capítulo séptimo
La conversación que tuvieron
7.1
« O atomes intelligents, dans qui l’Etre éternel
s’est plu à manifester son adresse et sa puissance,
vous devez sans doute goûter des joies bien pures sur votre
globe : car, ayant si peu de matière, et paraissant tout esprit,
vous devez passer votre vie à aimer et à penser ; c'est
la véritable vie des esprits. Je n'ai vu nulle part le vrai
bonheur ; mais il est ici, sans doute. » A ce discours, tous
les philosophes secouèrent la tête ; et l'un d'eux,
plus franc que les autres, avoua de bonne foi que, si l'on en excepte
un petit nombre d'habitants fort peu considérés, tout
le reste est un assemblage de fous, de méchants et de malheureux.
7.1
-¡Oh átomos inteligentes en quienes quiso el Eterno manifestar su arte y su poder! Decidme, amigo ¿no disfrutáis en vuestro globo terráqueo purísimos deleites? Apenas tenéis materia, sois todo espíritu, lo cual quiere decir que seguramente emplearéis vuestra vida en pensar y amar, que es la vida que corresponde a los espíritus. Yo que no he visto la felicidad en ninguna parte, creo ahora que está entre vosotros. Encogiéronse de hombros al oír esto los filósofos. Uno de ellos quiso hablar con sinceridad y manifestó que, exceptuando un número reducidísimo, a quienes para nada se tenía en cuenta, todos los demás eran una cáfila de locos, perversos y desdichados.
7.2
« Nous avons plus de matière
qu'il ne nous en faut, dit-il, pour faire beaucoup de mal, si le
mal vient de la matière , et trop d'esprit, si le mal vient
de l'esprit. Savez-vous bien, par exemple, qu'à l'heure où je
vous parle, il y a cent mille fous de notre espèce, couverts
de chapeaux, qui tuent cent mille autres animaux couverts d'un turban,
ou qui sont massacrés par eux, et que, presque sur toute la
terre, c'est ainsi qu' on en use de temps immémorial. Le Sirien
frémit, et demanda quel pouvait être le sujet de ces
horribles querelles entre de si chétifs animaux. « Il
s'agit, dit le philosophe, de quelque tas de boue grand comme votre
talon. Ce n'est pas qu'aucun de ces millions d'hommes qui font égorger
prétende un fétu sur ce tas de boue. Il ne s'agit que
de savoir s'il appartiendra à un certain homme qu'on nomme Sultan,
ou à un autre qu'on nomme, je ne sais pourquoi, César.
Ni l'un ni l'autre n'a jamais vu ni ne verra jamais le petit coin de
terre dont il s'agit ; et presque aucun de ces animaux, qui s'égorgent
mutuellement, n'a jamais vu l'animal pour lequel ils s’égorgent.
7.2.
-Más materia tenemos -dijo - de la que es menester para obrar mal, si procede el mal de la materia, y mucha inteligencia, si proviene de la inteligencia. ¿Sabéis por ejemplo que a estas horas, cien mil locos de nuestra especie, que llevan sombrero, están matando a otros cien mil animales que llevan turbante, o muriendo a sus manos? Tal es la norma en la tierra, desde que el hombre existe. Horrorizóse el siriano y preguntó cuál era el motivo de tan horribles contiendas entre animales tan ruines. -Se disputan -dijo el filósofo - unos trochos de tierra del tamaño de vuestros pies; y se los disputan no porque ninguno de los hombres que pelean y mueren o matan quiera para sí un terrón siquiera de aquel pedazo de tierra, sino por si éste ha de pertenecer a cierto individuo que llaman Sultán o a otro que apellidan Zar. Ninguno de los dos ha visto, ni verá nunca, el minúsculo territorio en litigio, así como tampoco ninguno de los animales que recíprocamente se asesinan han visto al animal por quien se asesinan.
7.3
Ah ! malheureux ! s'écria
le Sirien avec indignation, peut-on concevoir cet excès de
rage forcenée ! Il me prend envie de faire trois pas, et d'écraser
de trois coups de pied toute cette fourmilière d'assassins
ridicules. Ne vous en donnez pas la peine, lui répondit-on
; ils travaillent assez à leur ruine. Sachez qu'au bout de
dix ans, il ne reste jamais la centième partie de ces misérables
; sachez que, quand même ils n’auraient pas tiré l'épée,
la faim, la fatigue ou l’intempérance les emportent
presque tous. D'ailleurs, ce n'est pas eux qu'il faut punir, ce sont
ces barbares sédentaires qui du fond de leur cabinet ordonnent,
dans le temps de leur digestion, le massacre d'un million d'hommes,
et qui ensuite en font remercier Dieu solennellement.»
7.3
-¡Desventurados! -exclamó con indignación el siriano -. ¿Cómo es posible tan absurdo frenesí? Deseos me dan de pisar a ese hormiguero ridículo de asesinos. -No hace falta que os toméis ese trabajo. Ellos solos se bastan para destruirse. Dentro de cien años habrán quedado reducidos a la décima parte. Aun sin guerras perecen de hambre, de fatiga, o de vicios. Pero no son ellos los que merecen castigo, sino quienes desde la tranquilidad de su gabinete y mientras hacen la digestión de una opípara comida, ordenan el degüello de un millón de hombres y dan luego gracias a Dios en solemnes funciones religiosas.
7.4
Le voyageur se sentait ému
de pitié pour la petite race humaine, dans laquelle il découvrait
de si étonnants contrastes. « Puisque vous êtes
du petit nombre des sages, dit-il à ces messieurs, et qu'apparemment
vous ne tuez personne pour de l'argent, dites-moi, je vous en prie, à quoi
vous vous occupez. Nous disséquons des mouches, dit le philosophe,
nous mesurons des lignes, nous assemblons des nombres ; nous sommes
d'accord sur deux ou trois points que nous entendons et nous disputons
sur deux ou trois mille que nous n'entendons pas. Il prit aussitôt
fantaisie au Sirien et au Saturnien d'interroger ces atomes pensants,
pour savoir les choses dont ils convenaient. « Combien comptez-vous,
dit-il de l’étoile de la Canicule à la grande étoile
des Gémeaux ? » Ils répondirent tous à la
fois : « trente-deux degrés et demi. Combien comptez-vous
d'ici à la Lune ? Soixante demi-diamètres de la terre
en nombre rond. Combien pèse votre air ? » Il croyait
les attraper, mais tous lui dirent que l'air pèse environ
neuf cents fois moins qu'un pareil volume de l'eau la plus légère,
et dix-neuf cents fois moins que l'or de ducat. Le petit nain de
Saturne, étonné de leurs réponses, fut tenté de
prendre pour des sorciers ces mêmes gens auxquels il avait
refusé une âme un quart d'heure auparavant.
7.4
Sentíase el caminante movido á piedad del mezquino linage humano, en el qual tantas contradicciones descubria. Siendo vosotros, dixo á estos señores, del corto número de sabios que sin duda á nadie matan por dinero, os ruego que me digais quales son vuestras ocupaciones. Disecamos moscas, respondió el filósofo, medimos líneas, combinamos números, estamos conformes acerca de dos ó tres puntos que entendemos, y divididos sobre dos ó tres mil que no entendemos. Ocurrióles al Sirio y al Saturnino hacer preguntas á los átomos pensadores, para saber sobre qué estaban acordes. ¿Qué distancia hay, dixo este, desde la estrella de la Canícula hasta la grande de Géminis? Respondiéronle todos juntos: Treinta y dos grados y medio.--¿Quanto dista de aquí la luna?--Sesenta semi-diámetros de la tierra.--¿Quanto pesa vuestro ayre? Creía haberlos cogido; pero todos le dixéron que pesaba novecientas veces ménos que el mismo volumen del agua mas ligera, y diez y nueve mil veces ménos que el oro. Atónito el enanillo de Saturno con sus respuestas, estaba tentado á creer que eran mágicos aquellos mismos á quienes un quarto de hora ántes les habia negado la inteligencia.
7.5
Enfin Micromégas leur
dit : « Puisque vous savez si bien ce qui est hors de vous,
sans doute vous savez encore mieux ce qui est en dedans. Dites-moi
ce que c'est que votre âme, et comment vous formez vos idées. » Les
philosophes parlèrent tous à la fois comme auparavant
; mais ils furent tous de différents avis. Le plus vieux citait
Aristote, l'autre prononçait le nom de Descartes ; celui-ci,
de Malebranche ; cet autre, de Leibnitz ; cet autre, de Locke. Un
vieux péripatéticien dit tout haut avec confiance : « L'âme
est une entéléchie, et une raison par qui elle a la
puissance d'être ce qu’elle est. C’est ce que déclare
expressément Aristote, page 633 de l'édition du Louvre. Ἐντελεχεῖα ἐστι. « Je
n'entends pas trop bien le grec, dit le géant. Ni moi non
plus, dit la mite philosophique. Pourquoi donc, reprit le Sirien,
citez-vous un certain Aristote en grec ? C’est, répliqua
le savant, qu'il faut bien citer ce qu’on ne comprend point
du tout dans la langue qu'on entend le moins.»
7.5.
Díxoles finalmente Micromegas: Una vez que tan puntualmente sabeis lo que hay fuera de vosotros, sin duda que mejor todavía sabréis lo que hay dentro: decidme pues qué cosa es vuestra alma, y cómo se forman vuestras ideas. Los filósofos habláron todos á la par, como ántes, pero todos fuéron de distinto parecer. Citó el mas anciano á Aristóteles, otro pronunció el nombre de Descartes, este el de Malebranche, aquel el de Leibnitz, y el de Locke otro. El anciano peripatético dixo con toda confianza: El alma es una _entelechîa_, una razon en virtud de la qual tiene la potencia de ser lo que es; así lo dice expresamente Aristóteles, pág. 633 de la edicion del Louvre: _Entelexeia esti_, etc. No entiendo el griego, dixo el gigante. Ni yo tampoco, respondió el arador filosófico. ¿Pues á qué citais, replicó el Sirio, á ese Aristóteles en griego? Porque lo que uno no entiende, repuso el sabio, lo ha de citar en lengua que no sabe.
7.6
Le cartésien prit ici
parole, et dit : « L’âme est un esprit pur qui
a reçu dans le ventre de sa mère toutes les idées
métaphysiques, et qui, en sortant de là, est obligée
d'aller à l'école, et d'apprendre tout de nouveau ce
qu'elle a si bien su, et quelle ne saura plus. Ce n’était
donc pas la peine, répondit l'animal de huit lieues, que ton âme
fût si savante dans le ventre de ta mère, pour être
si ignorante quand tu aurais de la barbe au menton. Mais qu'entends-tu
par esprit ? Que me demandez-vous là ? dit le raisonneur ;
je n’en ai point d'idée ; on dit que ce n'est pas de
la matière. Mais sais-tu au moins ce que c'est que de la matière
? Très bien, répondit l'homme. Par exemple cette pierre
est grise, et d'une telle forme, elle a ses trois dimensions, elle
est pesante et divisible. Eh bien ! dit le Sirien, cette chose qui
te paraît être divisible, pesante et grise, me dirais-tu
bien ce que c'est ? Tu vois quelques attributs ; mais le fond de
la chose, le connais-tu ? Non, dit l'autre. Tu ne sais donc point
ce que c'est que la matière.»
7.6
Tomó el hilo el cartesiano, y dixo: Es el alma un espíritu puro que en el vientre de su madre ha recibido todas las ideas metafísicas, y que así que sale de él se vé precisada á ir á la escuela, y aprender de nuevo lo que tan bien sabia y que nunca volverá á saber. Pues estás medrado, respondió el animal de ocho leguas, con que supiera tanto tu alma cuando estabas en el vientre de tu madre, si habia de ser tan ignorante cuando fueras tú hombre con barba. ¿Y qué entiendes por espíritu? ¿Qué es lo que me preguntais? dixo el discurridor, no tengo idea ninguna de él: dicen que lo que no es materia.--¿Y sabes lo que es materia? Eso sí, respondió el hombre. Esa piedra por exemplo es parda, y de tal figura, tiene tres dimensiones, y es grave y divisible. Así es, dixo el Sirio; ¿pero esa cosa que te parece divisible, grave y parda, me dirás qué es? Algunos atributos vés, pero ¿el sosten de estos atributos le conoces? No, dixo el otro. Luego no sabes qué cosa sea la materia.
7.7
Alors Monsieur Micromégas,
adressant la parole à un autre sage qu'il tenait sur son pouce,
lui demanda ce que c'était que son âme, et ce qu'elle
faisait. « Rien du tout, répondit le philosophe malebranchiste
; c'est Dieu qui fait tout pour moi ; je vois tout en lui, je fais
tout en lui ; c'est lui qui fait tout sans que je m’en mêle. – Autant
vaudrait ne pas être, reprit le sage de Sirius. Et toi, mon ami,
dit-il à un leibnitzien qui était là, qu'est-ce
que ton âme ? – C’est, répondit le leibnitzien,
une aiguille qui montre les heures pendant que mon corps carillonne,
ou bien, si vous voulez, c'est elle qui carillonne pendant que mon
corps montre l'heure ; ou bien mon âme est le miroir de l'univers,
et mon corps est la bordure du miroir : cela est clair.»
7.7
Dirigiéndose entónces el señor Micromegas á otro sabio que encima de su dedo pulgar tenia, le preguntó qué era su alma, y qué hacia. Cosa ninguna, respondió el filósofo malebranchista; Dios es quien lo hace todo por mí; en él lo veo todo, en él lo hago todo, y él es quien todo lo hace sin cooperacion mia. Tanto monta no exîstir, replicó el filósofo de Sirio. ¿Y tú, amigo, le dixo á un leibniziano que allí estaba, qué dices? ¿qué es tu alma? Un puntero de relox, dixo el leibniziano, que señala las horas miéntras las toca mi cuerpo; ó bien, si os parece, el alma las toca miéntras el cuerpo las señala; ó mi alma es el espejo del universo, y mi cuerpo el marco del espejo: todo esto es claro.
7.8
Un petit partisan de Locke était
là tout auprès ; et quand on lui eut enfin adressé la
parole : « Je ne sais pas, dit-il, comment je pense, mais je
sais que je n’ai jamais pensé qu'à l'occasion
de mes sens. Qu'il y ait des substances immatérielles et intelligentes,
c'est de quoi je ne doute pas ; mais qu'il soit impossible à Dieu
de communiquer la pensée à la matière, c'est
de quoi je doute fort. Je révère la puissance éternelle
; il ne m’appartient pas de la borner : je n'affirme rien ,
je me contente de croire qu'il y a plus de choses possibles qu'on
ne pense.»
7.8
Estábalos oyendo un sectario de Locke, y cuando le tocó hablar, dixo: Yo no sé como pienso, lo que sé es que nunca he pensado como no sea por medio de mis sentidos. Que haya substancias inmateriales é inteligentes, no pongo duda; pero que no pueda Dios comunicar la inteligencia á la materia, eso lo dudo mucho. Respeto el eterno poder, y sé que no me compete limitarle; no afirmo nada, y me ciño á creer que hay muchas mas cosas posibles de lo que se piensa.
7.9
L'animal de Sirius sourit : il
ne trouva pas celui-là le moins sage ; et le nain de Saturne
aurait embrassé le sectateur de Locke sans l'extrême
disproportion. Mais il y avait là, par malheur, un petit animalcule
en bonnet carré qui coupa la parole à tous les animalcules
philosophes ; il dit qu'il savait tout le secret, que cela se trouvait
dans la Somme de Saint Thomas ; il regarda de haut en bas les deux
habitants célestes ; il leur soutint que leurs personnes,
leurs mondes, leurs soleils, leurs étoiles, tout était
fait uniquement pour l'homme. A ce discours, nos deux voyageurs se
laissèrent aller l'un sur l'autre en étouffant de ce
rire inextinguible qui, selon Homère. est le partage des dieux
: leurs épaules et leurs ventres allaient et venaient, et
dans ces convulsions le vaisseau, que le Sirien avait sur son ongle,
tomba dans une poche de la culotte du Saturnien. Ces deux bonnes
gens le cherchèrent longtemps ; enfin ils retrouvèrent
l'équipage, et le rajustèrent fort proprement. Le Sirien
reprit les petites mites ; il leur parla encore avec beaucoup de
bonté, quoiqu'il fût un peu fâché dans
le fond du coeur de voir que les infiniment petits eussent un orgueil
presque infiniment grand. Il leur promit de leur faire un beau livre
de philosophie, écrit fort menu pour leur usage, et que, dans
ce livre, ils verraient le bout des choses. Effectivement, il leur
donna ce volume avant son départ : on le porta à Paris à l'Académie
des Sciences ; mais, quand le secrétaire l'eut ouvert, il
ne vit rien qu'un livre tout blanc : « Ah ! dit-il, je m’en étais
bien douté. »
7.9
Sonrióse el animal de Sirio, y le pareció que no era este el ménos cuerdo; y si no hubiera sido por la mucha desproporcion, hubiera dado un abrazo el enano de Saturno al sectario de Locke. Por desgracia se encontraba en la banda, un animalucho con un bonete en la cabeza, que cortando el hilo á todos los filósofos dixo que él sabia el secreto, que se hallaba en la Suma de Santo Tomas; y mirando de pies á cabeza á los dos moradores celestes, les sustentó que sus personas, sus mundos, sus soles y sus estrellas, todo habia sido criado para el hombre. Al oir tal sandez, nuestros dos caminantes hubiéron de caerse uno sobre otro, pereciéndose de aquella inextinguible risa que, segun Hornero, cupo en suerte á los Dioses; iba y venia su barriga y sus espaldas, y en estas idas y venidas se cayó el navio de la uña del Sirio en el bolsillo de los calzones del Saturnino. Buscáronle ámbos mucho tiempo; al cabo topáron la tripulacion, y la metiéron en el navio lo mejor que pudiéron. Cogió el Sirio á los aradorcillos, y les habló con mucha afabilidad, puesto que estaba algo mohino de ver que unos infinitamente pequeños tuvieran una vanidad casi infinitamente grande. Prometióles que compondria un libro de filosofía escrito de letra muy menuda para su uso, y que en él verian el porque de todas las cosas; y con efecto ántes de irse les dió el prometido libro, que lleváron á la academia de ciencias de Paris. Mas cuando le abrió el secretario, se halló con que estaba todo en blanco, y dixo: _ha, ya me lo presumia yo.