Et puis, il m’est arrivé une chose ridicule. On est venu relever mon bon vieux gendarme, auquel, ingrat égoïste que je suis, je n’ai seulement pas serré la main. U n autre l’a remplacé : homme à front déprimé, des yeux de bœuf, une figure inepte. Au reste, je n’y avais fait aucune attention. Je tournais le dos à la porte, assis devant la table ; je tâchais de rafraîchir mon front avec ma main, et mes pensées troublaient mon esprit. Un léger coup, frappé sur mon épaule, m’a fait tourner la tête. C’était le nouveau gendarme, avec ui j’étais seul. Voici à peu près de quelle façon il m’a adressé la parole.
Después me ha sucedido algo ridículo. Han venido a relevar al bueno de mi vigilante, al cual, ingrato egoísta que soy, ni tan siquiera le he estrechado la mano. Lo ha reemplazado otra persona: un hombre de frente deprimida, ojos de buey, cara inepta. Por lo demás, no le he prestado la menor atención. Sentado frente a mi mesa, le daba la espalda a la puerta; intentaba refrescarme la frente con la mano, y los pensamientos me turbaban el espíritu. Último día de un condenado a muerte. Un golpe ligero sobre mi hombro me ha hecho girar la cabeza. Era el nuevo gendarme, con quien me encontraba solo. He aquí de qué suerte, más o menos, me ha dirigido la palabra.
– Criminel, avez-vous bon cœur ? – Non, lui ai-je dit. La brusquerie de ma réponse a paru le déconcerter. Cependant il a repris en hésitant : – On n’est pas méchant pour le plaisir de l’être. – Pourquoi non ? ai-je répliqué. Si vous n’avez que cela à me dire, laissez-moi. Où voulez-vous en venir ? – Pardon, mon criminel, a-t-il répondu.
—Criminal, ¿tiene usted buen corazón?—No —le he dicho. Al parecer, la brusquedad de mi respuesta lo ha desconcertado. Sin embargo, ha continuado, vacilante:—Nadie es malo por el gusto de serlo.—¿Por qué no? —he replicado—. Si es para decirme esto, déjeme. ¿Adónde quiere llegar? —Perdone usted —ha respondido—.
Deux mots seulement. Voici. Si vous pouviez faire le bonheur d’un pauvre homme, et que cela ne vous coûtât rien, est-ce que vous ne le feriez pas ? J’ai haussé les épaules. – Est-ce que vous arrivez de Charenton ? Vous choisissez un singulier vase pour y puiser du bonheur. Moi, faire le bonheur de quelqu’un ! Il a baissé la voix et pris un air mystérieux, ce qui n’allait pas à sa figure idiote. – Oui, criminel, oui bonheur, oui fortune.
Sólo dos palabras. Se trata de esto: si pudiera usted hacer feliz a un pobre hombre, y no le costara nada, ¿lo haría usted? He levantado los hombros. —¿Acaso viene usted de Charenton? Ha escogido un terreno muy particular para cultivar la felicidad. ¡Yo, hacer feliz a alguien!
El hombre ha bajado la voz y ha tomado un aire misterioso, que no se adecuaba en absoluto a su cara de idiota. —Sí, criminal: sí, felicidad; sí, fortuna.
Tout cela me sera venu de vous. Voici. Je suis un pauvre gendarme. Le service est lourd, la paye est légère ; mon cheval est à moi et me ruine. Or je mets à la loterie pour contre-balancer. Il faut bien avoir une industrie. Jusqu’ici il ne m’a manqué pour gagner que d’avoir de bons numéros. J’en cherche partout de sûrs ; je tombe toujours à côté. Je mets le 76 ; il sort le 77. J’ai beau les nourrir, ils ne viennent pas... – Un peu de patience, s’il vous plaît, je suis à la fin.
Todo eso me llegará de usted. Mire usted: soy un pobre gendarme. El servicio es pesado; mi caballo me pertenece y me está arruinando. Ahora bien, juego a la lotería para compensar. Alguna astucia se ha de tener. Hasta ahora, para ganar no me ha faltado más. Célebre hospital psiquiátrico situado en el sureste de París. Último día de un condenado a muerte que tener un buen número. Por todas partes los busco que sean seguros; siempre fallo por muy poco. Pongo el setenta y seis; sale el setenta y siete. Por más que los alimente, no se me acercan... (Un poco de paciencia, por favor, que ya termino).
– Or voici une belle occasion pour moi. Il paraît, pardon, criminel, que vous passez aujourd’hui. Il est certain que les morts qu’on fait périr comme cela voient la loterie d’avance. Promettez-moi de venir demain soir, qu’est-ce que cela vous fait ? me donner trois numéros, trois bons. Hein ? – Je n’ai pas peur des revenants, soyez tranquille. – Voici mon adresse : Caserne Popincourt, escalier A, n° 26, au fond du corridor. Vous me reconnaîtrez bien, n’est-ce pas ? – Venez même ce soir, si cela vous est plus commode. J’aurais dédaigné de lui répondre, à cet imbécile, si une espérance folle ne m’avait traversé l’esprit.
Ahora bien, aquí hay una buena oportunidad para mí. Parece, perdón, criminal, que hoy es su turno. Es un hecho que los muertos que son suprimidos de esta forma son capaces de ver de antemano la lotería. Prométame venir mañana por la noche, ¿qué le cuesta? A darme tres números, tres números buenos, ¿eh? Tranquilícese: no me dan miedo los espectros. Ésta es mi dirección: Cuartel Popincourt, escalera A, n.º 26, al fondo del corredor. Me reconocerá, ¿verdad? Puede venir esta noche, si le va mejor. Habría desdeñado responder a este imbécil si una loca esperanza no me hubiera atravesado el espíritu.
Dans la position désespérée où je suis, on croit par moments qu’on briserait une chaîne avec un cheveu. – Écoute, lui ai-je dit en faisant le comédien autant que le peut faire celui qui va mourir, je puis en effet te rendre plus riche que le roi, te faire gagner des millions. – À une condition. Il ouvrait des yeux stupides. – Laquelle ? laquelle ? tout pour vous plaire, mon criminel. – Au lieu de trois numéros, je t’en promets quatre. Change d’habits avec moi.
En la posición desesperada en la que estoy, uno cree a veces que sería capaz de romper una cadena con un pelo. —Escucha —le he dicho fingiendo tanto como está en disposición de hacerlo quien va a morir—, yo puedo, en efecto, volverte más rico que el rey, hacer que ganes millones. Con una condición. Él abría unos ojos estúpidos. —¿Cuál es? ¿Cuál es? Haré cuanto esté en mi mano para complacerlo, señor criminal. —En lugar de tres números, te prometo cuatro. Cámbiate la ropa conmigo.
– Si ce n’est que cela ! s’est-il écrié en défaisant les premières agrafes de son uniforme. e m’étais levé de ma chaise. J’observais tous ses mouvements, mon cœur palpitait. Je voyais déjà les portes s’ouvrir devant l’uniforme de gendarme, et la place, et la rue, et le Palais de Justice derrière moi ! Mais il s’est retourné d’un air indécis. – Ah ça ! ce n’est pas pour sortir d’ici ?
—¡Si no es más que eso! —ha exclamado al tiempo que deshacía los primeros broches de su uniforme. Yo me había levantado de mi silla. Observaba todos sus Último día de un condenado a muerte movimientos, y el corazón me palpitaba. ¡Ya podía ver las puertas abrirse ante el uniforme de gendarme, y la plaza, y la calle, y el Palacio de Justicia tras de mí! Pero el hombre se ha dado la vuelta con aire indeciso.
J’ai compris que tout était perdu. Cependant j’ai tenté un dernier effort, bien inutile et bien insensé ! – Si fait, lui ai-je dit, mais ta fortune est faite... Il m’a interrompu. – Ah bien non ! tiens ! et mes numéros ! Pour qu’ils soient bons, il faut que vous soyez mort. Je me suis rassis, muet et plus désespéré de toute l’espérance que j’avais eue.
—¡Ah! ¿No será para salir de aquí? He comprendido que todo estaba perdido. Sin embargo, he hecho un último esfuerzo, completamente inútil e insensato. —Así es —le he dicho—, pero tu fortuna está asegurada... Me ha interrumpido. —¡No, no! ¡Nada de eso! Y ¿mis números? Para que sean buenos, tiene usted que estar muerto. He vuelto a sentarme, mudo y más desesperado tras la esperanza que había tenido.